Yumisaki Misakix : Entretien
Entretien avec Yumisaki Misakix, mangaka observateur et contemplatif.
Bonjour Yumisaki Misakix, merci de nous recevoir et merci pour cet entretien. Selon vous, quel est le rôle d’un mangaka dans nos sociétés ?
YM : En ce qui me concerne, je souhaite distraire les lecteurs en les amusant. En fait, je n’ai pas spécialement de message ou de morale à transmettre. Mon objectif est de rendre mes lecteurs heureux.
Avez-vous eu envie de devenir mangaka parce qu’un manga vous a procuré de telles émotions ?
YM : Mon manga préféré de base c’est JoJo’s Bizarre Adventure (JoJo no Kimyôna Bôken, 『ジョジョの奇妙な冒険』, 1987). C’est sûrement grâce à lui que j’ai souhaité devenir mangaka. Avant de lire Jojo’s j’ai aussi beaucoup apprécié le manga Doraemon (ドラえもん, 1969). En général, j’aime les films fantastiques avec des dragons, être loin de la réalité c’est très excitant ! –rire– C’est ce genre de sensation que je veux donner aux lecteurs.
Dans votre enfance, qu’est-ce qui vous a tant fasciné dans le manga Doraemon ?
YM : Les aventures de Doraemon commencent toujours de façon banale, mais petit à petit des problèmes s’immiscent dans le quotidien et on bascule dans des situations irréelles. Le passage de la vie quotidienne à l’imaginaire m’a toujours fasciné. J’adore le fait qu’il puisse y avoir du merveilleux dans le quotidien.
Quel a été le premier manga que vous avez dessiné ?
YM : Je pense qu’il y a plutôt eu deux premiers mangas. D’abord, lorsque j’étais enfant j’ai commencé à dessiner des mangas dont j’étais le héros en imitant Doraemon. Je ne me souviens plus de l’histoire par contre. –sourire– Lorsque j’ai commencé à travailler en tant que professionnel, j’ai fais des mangas d’horreur. Par exemple, des histoires où des fantômes attaquent les humains…
Yumisaki Misakix,『日本怪談百景』, plateforme indépendante, 2017.
Yumisaki Misakix,『日本怪談百景』, plateforme indépendante, 2017.
J’ai remarqué que vous appréciez beaucoup l’horreur et l’action. Pourquoi appréciez-vous particulièrement ces genres ?
YM : Jojo’s est le genre de manga entre horreur et action. Aussi, j’aime depuis toujours les romans policiers avec du mystère comme ceux d’Edogawa Ranpô, Yokomitsu Saishi, et Seichô Matsumoto.
Dans la première saison de JoJo’s Bizarre Adventure les héros vivent dans une grande maison qui ressemble à un château. Dans l’histoire que vous proposez il y a aussi un château. Est-ce que le château représente la maison de vos rêves ?
YM : Ce qui me plaît c’est le fait de cheminer et de se perdre dans des lieux sinistres. J’adore les jeux vidéo avec des donjons. Par exemple, je choisis d’emprunter des portes dérobées ou des souterrains. J’aime les lieux mystérieux. C’est pour cela que j’ai choisis un château. –sourire–
Et dans la vraie vie, au Japon ou ailleurs, quel est le lieu que vous trouvez le plus mystérieux ?
YM : Ce serait quelque chose de plutôt inhabituel. Uhm… Le monde entier est étrange. Ah, je sais ! –sourire– Je suis assez mal informé, mais je pense que les planètes sont les choses les plus mystérieuses. Quand on regarde un schéma de l’univers, on voit que Jupiter est déjà immense, puis quand on voit la différence de taille entre la Terre et le Soleil, c’est incroyable. On ne réalise pas à quel point les planètes sont immenses. Quand j’imagine le Soleil, il est si grand que cela en est vertigineux. –sourire– Je trouve l’univers vraiment effrayant, entre les planètes et les vies extraterrestres… –rire– Depuis mon enfance, les gasutanku japonais m’inquiètent aussi. Ce sont ces sphères géantes qui contiennent du gaz. Leur texture fait un peu penser à des planètes. Ce n’est pas l’espace en soit qui me fait peur, je crois que ce sont les planètes qui m’effraient.
Donc, ce que vous trouvez le plus impressionnant c’est la masse. Une chose énorme dont on ne connait que très peu de choses.
YM : Ce doit être ça, mais j’ai du mal à savoir exactement pourquoi j’en ai peur.
Yumisaki Misakix, Mariko et le château fantôme, Tsubomi Éditions, 2023.
Je vois, merci pour votre sincérité. Quelle est la pire chose qui pourrait vous arriver en tant que mangaka ?
YM : Ce qui pourrait m’arriver de plus angoissant c’est de perdre mes sens. Admettons que je ne ressente plus la peur des planètes, ce serait terrible ! Pareillement, je souhaite avoir conscience de mon appréhension quand je suis dans un pays étranger… Je préfère avoir ces sentiments, même s’ils ne sont pas agréables. J’aimerais toujours pouvoir me dire qu’une fleur est belle en la regardant, si je nage je veux sentir la température de l’eau, le vent sur ma peau, les odeurs de nourriture…
Finalement c’est être à l’écoute de ses sentiments. Pensez-vous que pour être un bon mangaka il faut rester dans cet état d’éveil ?
YM : Être attentif à ses sentiments, c’est la chose la plus importante dans n’importe quel domaine. Par exemple, si quelqu’un dit qu’il vous aime mais qu’il n’a pas de sentiment ça n’a aucune valeur. Le plus important c’est le sentiment. J’aime composer de la musique et quand je suis amoureux c’est impressionnant. Le rythme de la musique est différent, et c’est plein d’émotions. Je me dis, « wahou c’est moi qui ai fait ça ? ». Par contre, si je ne suis pas amoureux, la musique sonne faux. En soi, le plus important c’est de rêver et de continuer à ressentir les choses. –sourire–
Je trouve que pour être mangaka il faut avoir beaucoup de passion. Vous dessinez bien et vous avez une très belle vision des choses. Finalement, quel est votre secret ?
YM : C’est sûrement l’envie de créer quelque chose de beau. Par exemple, quand je visite Paris j’ai envie de prendre pour modèle ce que je vois et dessiner. –sourire–
